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— Habillez-vous.

— Quelle réponse me faites-vous là ?

— Habillez-vous et soyez gentille, irrésistible, ce que vous êtes toujours, du reste. Ayez l’œil vif, le cou onduleux, la taille cambrée, le pied leste, le sourire agaçant…

— Pour aller où ?

— Pour venir avec moi.

— Vous me rassurez. Mettrai-je un chapeau ou un bonnet ? demanda Victoire, qui ne comprenait pas encore, il s’en faut, toutes les intentions de celui qui lui parlait.

— Un chapeau ! gardez-vous-en bien. Mettez votre bonnet de tous les jours : mais posez-le d’une manière renversante. Mettez votre fichu de tous les jours, votre tablier de tous les jours ; puis prenez votre panier d’osier, et venez ainsi avec votre linge blanc et repassé à l’hôtel du colonel, où je vous attends.

— C’est donc chez le colonel ?

— Mais sans doute…

— Justement le hasard fait que j’ai des cravates à lui rapporter…

— Le hasard ne m’importe guère ; il y a longtemps que je lui ai mis le pied sur la gorge. Mais, puisqu’il vous seconde, tant mieux pour lui ; cela lui fait honneur. Je vais donc vous attendre à l’hôtel.

Poliveau s’arrêta, le poing campé sur les hanches, au milieu de la chambrette de Victoire.

— Victoire, répondez-moi. Si vous trouviez cent billets de banque de mille francs dans la poche d’un de ces nombreux gilets que vous repassez, qu’en feriez-vous ?

— Je les rendrais tout de suite au maître du gilet.

— Mais si, par hasard, vous ne saviez pas à qui appartient le gilet, si vous étiez dans l’impossibilité de les restituer, qu’en feriez-vous dans ce cas ?