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homme comme lui !… un homme comme moi !… Il me faut des excuses… il me faut une satisfaction.

— Vous êtes fou ! interrompit Praline. Que vous a donc fait cet homme-là ?…

— Il m’a fait… Ah ! ce qu’il m’a fait ?

N’osant pas dire qu’on s’était moqué de lui, le colonel balbutia :

— Mes opinions et celles de cet employé sont antipathiques… Je suis légitimiste… on le sait…

— Vous êtes légitimiste ?

— Je dois l’être.

— En vérité ?…

— Lui, par plusieurs raisons, est ministériel… Nous nous sommes mutuellement froissés dans la conversation, qui a pris une telle tournure, qu’il m’a été impossible de lui demander ensuite la faveur que j’allais solliciter pour vous.

— Ah ! vous êtes légitimiste ! murmura sans desserrer les dents Praline, qui rugissait de colère dans sa poitrine, et, grâce à ce beau prétexte, ma représentation à bénéfice n’aura pas lieu ?… Ah ! vous êtes légitimiste… Eh bien ! moi, ajouta la terrible danseuse, j’affirme que vous êtes tricolore.

— Comment, tricolore ?

— Oui, tricolore, mon vieux, répliqua Praline, dans la bouche de laquelle le mot vieux allait prendre une signification venimeuse et mortelle. Oui, vous êtes tricolore !… D’abord, vous avez les cheveux noirs… du moins aujourd’hui… je ne sais pas comment ils seront demain. Ensuite, vous avez les favoris rouges.

— Rouges ! s’écria le colonel en se levant pour courir se voir dans la glace.

— Oui, continua impitoyablement la cruelle Praline,