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— J’entre dans un second bureau pour m’informer si les princes daigneront assister à cette représentation au bénéfice de mademoiselle Praline ; mais à peine ai-je dit deux mots, que trois employés se lèvent, et s’en vont en riant, et que le chef ne se donne pas même la peine de garder quelque gravité dans sa réponse… Je ne l’attends pas, sa réponse… Je renverse sa table, je l’écrase sous ses cartons en lui lançant une mitraillade d’injures… et je sors.

— Voilà qui est très-bien, mon colonel ; c’est une charge à fond de train.

— Très-bien… très-bien… Mais que devient maintenant la représentation de Praline ?… Mille et mille tonnerres !… Comprend-on que tout un ministère se donne insolemment le mot pour se moquer d’un homme comme moi… un colonel de cavalerie !… Je les pilerai sous les pieds, je les broierai… Y aurait-il quelque chose de politique dans ce guet-apens ?

À cette dernière supposition, qui était du plus beau burlesque pour Poliveau, qui trouvait que la figure de son maître suffisait et au delà pour mettre en gaieté, surtout des gens de bureau, le valet, qui n’y tenait plus, se retourna brusquement, et courut vers la porte.

Heureusement, on sonnait.

— C’est Praline ! s’écria le colonel…

Et il ajouta :

— Ma foi ! elle s’arrangera comme elle voudra… J’ai fait ce que j’ai pu pour elle… Tant pis !…

Accompagnées de l’accent que leur donna le colonel, ces paroles n’offraient pas l’énergie et la délibération qu’elles exprimaient.

Praline, coiffée d’un joli chapeau bleu tendre, frais comme une fleur, habillée d’une robe de soie, rayée verte et blanche, chaussée avec une élégance exquise, traversa