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— Je veux les plus beaux fruits de Chevet ; quelques ananas…

— Mademoiselle Suzon avait dit que les noix qui sont dans le grenier, et qui commencent à moisir, seraient mangées…

— Te tairas-tu ?

— Je me tais, monsieur le commandant.

— Pour vins, nous aurons du volney, du chambertin, du château-margaux, du champagne et du vin du Rhin.

Mistral, qui était Marseillais, comme son nom l’indique, fit un signe de croix.

— Et des liqueurs à l’avenant.

— À l’avenant ! murmura. Mistral, qui crut qu’à l’avenant était le nom d’une liqueur très-chère et très-rare.

— Va-t’en maintenant.

Bouleversé, Mistral se retirait ; le commandant le rappela.

— Nous souperons à onze heures.

— À onze heures !

— Oui, monsieur Mistral.

— Vous ne vous coucherez donc pas à neuf heures ?

— Apparemment, , admirable, et stupide Marseillais, digne de représenter au côté droit de la Chambre, près des marchands de sucre, ton honorable département.

La tête basse, la stupéfaction écrite sur tous les traits, Mistral sortit du salon pour aller remplir les ordres du commandant, ordres qui effrayaient son imagination, troublaient ses habitudes, à ce point qu’il se retourna pour s’assurer que c’était bien son maître de tous les jours qui les lui avait donnés.

— Nous souperons à onze heures, Morieux, dit le commandant à son ami en reprenant sa place auprès de lui.

— Quand tu voudras.