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vent manquer d’être exaucées, pieux comme vous l’êtes à tous égards.

« Votre affectionnée tante,
« Lucile de Lostains. »


— Ceci à votre maître, monsieur de Marivaux, dit la comtesse en se relevant et en hochant la tête, qu’elle tournait de temps en temps du côté de la galerie de tableaux de son neveu.

— Je n’aurai garde d’y manquer, dit Poliveau quand il fut seul, et ce soir je serai débarrassé de toi qui prétendais marier mon maître pour me donner une maîtresse ; je l’espère du moins… Un beau mariage pourtant… trop beau… Une femme de trente-cinq ans est une jeunesse pour le colonel qui marche au pas accéléré sur soixante, et deux millions de dot !… Ne nous flattons pas encore d’avoir réussi, ajouta Poliveau ; qui était déjà parvenu pourtant à faire croire à la tante que son neveu était un pilier d’église, et au neveu que sa tante était si bigote, qu’elle envoyait les cuisiniers à confesse et les cochers communier.

Poliveau s’arrêta dans ces réflexions ; la voiture de son maître rentrait.

Jamais le colonel n’avait si rapidement franchi l’escalier ; il entre, ouvre avec fracas, laissé ouvertes derrière lui toutes les portes, et pénètre comme un ouragan dans son boudoir, où l’attendait Poliveau, qui, en apercevant son maître, se dit :

— Ah ! grand Dieu ! ce que j’avais prévu est arrivé…

— Cela ne se passera pas ainsi ! s’écria le colonel en fracassant du jet violent de son chapeau contre la glace un vase de Chine de mille francs. Sa canne, lancée dans une autre direction, alla fendre une psyché…