— Une si bonne, une si honnête fille !
— Un si joli livre !
— Et quel est ce livre ?
— Les Amours du chevalier de Faublas, répondit Poliveau en passant la troisième couche sur les cheveux blancs du colonel, afin de les rendre noirs.
— L’ouvrage est léger, reprit M. de Lostains : mais une fille de quarante-cinq ans…
— Et qui n’a jamais été mariée…
— Il n’est pas possible qu’elle l’ait renvoyée sur un motif aussi ridicule ?
— Je vous le jure, mon colonel.
— Elle la reprendra.
— Oh ! mon colonel, vous ne connaissez pas madame votre tante, répliqua Poliveau, qui allait commencer à pratiquer sur la moustache et les favoris de son maître le second travail chimique qui de la nuance blanche, devait les faire passer successivement à la nuance rouge, bleue et noire.
— Elle me connaîtra aussi !… Mille et mille malédictions d’enfer ! une heure !… Il me faudra un quart d’heure pour me rendre au ministère de l’intérieur… Trois quarts d’heure de retard ! Et Praline qui sera ici à deux heures pour connaître la réponse du chargé des beaux-arts !… Mon chapeau !… vite, mon chapeau… mes gants…
— Mais, mon colonel, dit Poliveau au milieu des mouvements désordonnés de son maître, ce qui fit que celui-ci ne s’arrêta pas à la remarque, mon colonel, votre moustache n’a que deux couches, et vos favoris n’en ont qu’une.
— Mon chapeau ! mes gants ! te dis-je… A-t-on attelé ?
— Oui, mon colonel ; mais vos favoris ?… répéta Poliveau d’une façon encore moins distincte, et plutôt pour s’acquitter d’un devoir dont l’oubli lui eût coûté cher que