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obéir à ses ordres. Onze heures sonnèrent à la pendule sans que le moindre bruit trahît le retour du paresseux valet de chambre. — Ceci passe la plaisanterie ! s’écria M. de Lostains, lassé d’attendre. Si je ne me lève pas, comment aurai-je le temps de déjeuner et d’aller au ministère de l’intérieur, où j’ai audience à midi et demi pour parler au chargé des beaux-arts de cette représentation à bénéfice que j’ai promis à Praline d’obtenir pour elle ? Praline ne me le pardonnerait pas. Elle me dira encore que je la berce de fausses promesses, que je ne m’occupe pas d’elle, et mille choses désagréables dont elle sait me mitrailler sans avoir l’air de m’en vouloir.. Abominable Poliveau ! Bientôt onze heures et demie, et il ne paraît pas !… — Autre douleur du colonel de Lostains, c’est que sans Poliveau il ne pouvait se livrer à certains détails de toilette commandés par ses prétentions exagérées à une éternelle jeunesse, malgré ses cinquante-sept ans. Et Praline ne manquerait pas de venir pour connaître le résultat de la démarche faite pour elle auprès de l’administration des beaux-arts… Le dernier coup de sonnette du colonel fut si violent, que la main arracha le cordon, le cordon le fer auquel il était fixé, et que le fer tomba sur son front, qu’il contusionna d’une façon assez désagréable. De rage, il sauta sur l’un des sabres croisés en faisceau au chevet de son lit, et il en tira la lame en proférant un terrible juron à l’adresse de Poliveau. Si Poliveau eût été là !… Mais qui sait où était Poliveau ?

Profitant de la circonstance véhémente qui l’avait fait sauter à bas de son lit, M. de Lostains passa une robe de chambre, et courut sur le palier de son appartement pour parler de plus près à l’oreille de ses gens, puisque la sonnette n’avait pas eu la puissance d’éveiller leur attention. — Vautier ! cria-t-il d’une voix de tonnerre, Vautier ! — Vautier