Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cinq pas des deux bouts, se trouve le chêne en question. Il domine de beaucoup tous les autres. Du côté du chemin ses racines noires sortent de terre comme des serpents. Derrière le tronc, la terre est unie et rougeâtre. Creuse dix-huit pouces environ, et tu rencontreras la cassette. Prends tes précautions ; la cassette est lourde, très-lourde.

« Autre renseignement. Ne fais pas le coup avant minuit ; tu pourrais être vu par les gens qui rôdent autour du château depuis que nous l’avons nettoyé. »


— Quelle heure est-il ? demanda tout bas Leveneur.

Ce simple mot versa l’épouvante dans le sang de madame Leveneur ; Manette ne put l’entendre.

— Pourquoi faire ? répondit madame Leveneur, qui se hâta d’ajouter : il est minuit et demi.

— Pour aller nous coucher, dit Leveneur, qui en effet se déshabilla sans plus songer à l’autre lettre, qui ainsi ne subit pas l’épreuve de la flamme.

À peine était-il jour, que Manette descendit au bureau pour s’emparer de cette lettre, qui, quoi qu’elle contînt, était toute sa vie : elle remonta aussitôt dans sa chambre. Là elle alluma une bougie, promena en tremblant la page blanche au-dessus de la flamme, et cette page se couvrit immédiatement de caractères couleur de rouille. Elle put lire ceci :


« Vous avez deviné ma pensée parce que vous êtes dans toutes mes pensées. Oui, mon projet est de vous délivrer de la prison où vous étouffez depuis votre naissance, en vous enlevant et en forçant ensuite votre père à vous donner à moi. Il faut vouloir cela ou rien. Il consentira à notre mariage, et ce mariage, sera votre liberté et la