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dre avec son amant sous les yeux de sa famille, un moyen qui, la même intrigue étant transportée sur la scène, n’aurait pas moins demandé que le génie de Molière, combiné avec celui de Beaumarchais.

Trois jours pleins s’écoulèrent, et aucune réponse n’était encore parvenue à Manette, qui, bien qu’elle se démontrât les embarras du jeune réfractaire pour lui faire parvenir une lettre avec la promptitude et la ponctualité des temps ordinaires, n’était pas moins agitée par le doute et la crainte.

Pendant ces trois jours d’attente, deux événements mémorables eurent lieu.

Lanisette envoya à sa fiancée une oie farcie de marrons qui pesait quarante-cinq livres, et Janton, le clerc de notaire si cruellement bafoué par Leveneur, mourut des suites de la terrible mystification dont il avait été la victime.

Tout le bourg alla à son convoi. Au retour de la cérémonie funèbre, on lança des pierres dans la boutique de Leveneûr.

Le soir, la jeunesse de Saint-Faréol-dans-les-Bois et celle de Saint-Michel-hors-les-Bois attachèrent à sa porte un écriteau où on lisait : Si dans six mois tu n’as pas marié ta fille, malheur a toi !

Les turbulents durent être satisfaits, car le lendemain, qui était un dimanche, on annonça au prône le mariage de mademoiselle Manette Leveneur avec M. Fromenthal Lanisette.

Chaque soir, il n’est pas besoin de le dire, Manette avait placé l’échelle à l’endroit accoutumé et y était montée dans l’espoir, toujours déçu, d’entendre la lecture de la lettre si impatiemment attendue.

Le quatrième jour, sa douleur s’était accrue de la peine que lui avait causée la mort du clerc de notaire et la pro-