Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— Et moi, sacrebleu ! à la place de ce père, je dirais non. Rapportez-la-moi, fille ou femme, je la reprendrai !… Une fille qui me jouerait ce tour-là… tenez, madame Leveneur, vous n’auriez plus de fille…

L’échelle trembla comme un jonc.

— Voyons, calmez-vous, Leveneur !…

— Vous avez raison, ceci ne nous regarde pas… Cette enfant n’est pas à nous… S’ils l’avaient élevée comme j’ai élevé la nôtre, à grands coups de verges et de houssines, ses parents n’en seraient pas là. Mais voyons, reprit-il avec le calme d’un simple lecteur de feuilletons, ce que répond la demoiselle à ce beau projet qu’elle prête à son amant.


« Je goûte votre idée, j’approuve votre résolution. Dites-moi ce qu’il faut que je fasse, et je le ferai. Indiquez-moi l’endroit où vous m’attendrez, l’heure de la nuit où je devrai sortir, et vous verrez si je suis exacte. »


— Elle est complète, s’écria Leveneur en se croisant les bras. Si j’avais le temps j’irais, à l’heure indiquée, à l’endroit de l’enlèvement.


« Mais tout ceci, » dit madame Leveneur, reprenant la lecture de la lettre, « à une condition expresse : c’est que, si mon père, contre toute attente, refusait son consentement après que vous m’aurez enlevée, vous me laisserez disposer de ma vie comme je l’entendrai. »


— Ces chers enfants, dit d’une voix émue madame Leveneur, pourquoi ne pas les marier ?

— Pourquoi ne pas les étrangler, plutôt ? repartit Leveneur. Vous êtes folle. Vous ne vous souvenez donc pas de ce que vous lisez ? Ce jeune homme est un artiste, un peintre ! Mais sachons la fin du chapitre.