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passait dans le fond, où l’attendaient M. et madame Leveneur.

Le clerc de notaire aurait désiré n’avoir affaire qu’à madame Leveneur, mais la division des pouvoirs était ici tout à fait impossible. D’ailleurs, madame Leveneur n’était pas même un pouvoir ; elle qui, si elle l’eût voulu… Mais le moment n’est pas venu de dire toute la force qu’elle avait dans la main.

Janton, qui était tout en noir des pieds à la tête, excepté les mains recouvertes de gants jaune-blanc, exécuta son entrée solennelle dans l’arrière-boutique en posant les pieds dans une jatte de lait destinée à faire une crème pour le grand dîner du jour. Quand il fut remis de ce petit contre-temps, il dit à Madame Leveneur, sans pourtant négliger d’intéresser l’ancien garde-chasse à son discours :

— Vous vous souvenez, madame, que feu votre respectable père, par un caprice de vieillard, n’avait jamais consenti à être remboursé d’une rente de trente francs que ses aïeux, qui la lui avaient léguée, avaient touchée pendant cent soixante-trois ans ?

— Oui, la rente Larguier pour un mauvais terrain près du village de Chaussevert.

— C’est cela même. Plus raisonnable que l’honorable défunt, reprit, Janton, vous avez consenti, vous et les cohéritiers, à être remboursés de cette rente et à laisser aux Larguier leur capital libre de toute servitude.

— Une fière rente, que nous aurions touchée là pour notre part ! interrompit Leveneur. : six francs par an. Une belle dot pour Manette !

— Mademoiselle Manette, reprit Janton profitant de l’ouverture de la parenthèse pour y entrer, a pour dot sa beauté, ses qualités personnelles et l’estime dont jouissent ses parents.