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« J’ai servi sous le commandant Mauduit de la Vallonnière ; j’ai été aimée de lui. » Il n’était pas moins aimé, en effet, de toutes ces charmantes femmes, ses victimes. Comme elles le regrettaient en parlant de lui ! Il est vrai qu’il représentait le passé pour elles, et le passé est un si beau jeune homme ! Le commandant, c’était les bals de Saint-Cloud, de Saint-Germain et du Pecq ; les promenades enchantées de Tivoli, à travers ces petites allées de myrtes où il faisait si sombre ; les loges mystérieuses à Feydeau, les soupers chez Baleine, les folies de carnaval pendant les premières années du mariage de la duchesse de Berry, qui aimait tant qu’on s’amusât autour d’elle ; enfin, le commandant Mauduit leur rappelait vingt-cinq ans, la jeunesse, l’amour, le bonheur. Tout avait disparu ou était sur le point de disparaître, excepté le commandant, retiré dans son beau et sévère château de Chandeleur, au bout du monde bu aux portes de Paris, selon qu’il le voulait ; mais tout fait croire qu’il préférait être au bout du monde, car il allait à peine deux fois par an à Paris, et encore était-ce pour des affaires indispensables, pour donner une signature à son notaire ou se présenter chez son avoué.

On ne s’expliquait pas entièrement, par l’effet seul d’une bouderie légitimiste, cette séquestration absolue après une vie aussi accidentée que la sienne. Peu à peu, presque, tous les partisans de la branche aînée avaient fait leur soumission : ceux-ci ouvertement, ceux-là à la suite de tous les délais hypocrites à l’usage des consciences étroites. Le commandant de la Vallonnière demeurait donc évidemment loin de Paris à cause d’un motif tout à fait étranger à l’opinion qu’il professait en politique. Quel est donc ce motif ? se demandaient ses nombreux amis, ses anciens compagnons de fêtes, et toutes ces femmes char-