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jours, était la réponse que faisait la flamme isolée qui paraissait à l’autre bout de l’horizon.

Après avoir, depuis quelques minutes, allumé et placé trois bougies, Manette poussa un cri de surprise.

— Qu’ai-je fait ? dit-elle en se hâtant d’en ajouter une quatrième ; j’avais oublié que je ne devais employer le nombre trois que pour annoncer quelque grand danger ! Je l’aurai effrayé ; que va-t-il supposer, s’il n’a pas ; deviné mon erreur à la précipitation, que j’ai mise à ajouter une quatrième flamme aux trois autres ? Mais il l’aura devinée sans doute, et ce dernier signal l’aura rassuré.

Le dernier signal employé par Manette avait pour sens ceci : Je suis heureuse.

— Il m’a répondu, dit Manette en mettant son petit bonnet de nuit en percale ; il est heureux aussi.

Elle éteignit les quatre bougies, et tomba, à genoux pour faire sa prière.

Dieu doit-être indulgent pour les amoureux, car ils sont fort distraits, et, Manette aimait beaucoup. Voici comment elle avait connu, sans que sa mère ni son père, lui si clairvoyant, eussent le moindre doute, celui qu’elle aimait depuis six mois.

Semblable au grand Frédéric, qui, s’il eût été roi de France, disait-il, n’aurait pas. Voulu qu’il fût tiré en Europe un seul coup de fusil sans sa permission, M. Leveneur ne voulait pas qu’il se fît une grande affaire sans en avoir sa part. Or, à cette époque, on faisait beaucoup d’affaires en France ; on mettait tout en actions. Les petites localités imitèrent les grandes, qui, pour leur malheur, imitèrent Paris.

Parmi les établissements qui s’imaginèrent tripler leur valeur en ayant recours à ce mode, de gestion, il faut compter la principale manufacture de châles de Saint-Michel-hors-les-Bois. Sa constante prospérité ne lui parut