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BALZAC CHEZ LUI.

choquaient bruyamment entre eux, si l’esprit de celui-ci fraternisait avec l’esprit de celui-là, la sincérité antique n’était pas le fond de ce tableau. De temps en temps, des silences moqueurs couraient sur la toile.

Un seul écrivain, un seul ! parmi tous ces convives d’origines diverses, réunissait les sympathies de tous et nous aimait tous. C’était le bon, l’excellent, le spirituel rédacteur de la Quotidienne, T. Merle. Merle au visage si noble et si beau, à la mémoire intarissable, fleurie de toutes sortes de fleurs, comme les campagnes de ce beau Midi dont il était, représentait véritablement au milieu de nous le type de la concorde.

Notre supérieur par l’âge. Merle l’était encore non par la notoriété littéraire, quoiqu’il eût la sienne, la sienne bien réelle, bien incontestée ; mais par le mérite d’une exquise conversation, par une connaissance délicate de tous les personnages et de toutes les choses marquantes de son temps. Il avait retenu du dix-huitième siècle l’ironie voltairienne moins la sécheresse de l’athéisme. Le fanatisme de la royauté ne s’alliait pas chez lui à l’esprit de violence de 1815 et du Drapeau-Blanc. Il racontait comme Désaugiers chantait ; il plaisantait comme Louis XVIII plaisan-