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BALZAC CHEZ LUI.

avait pris une forte part d’intérêts dans une puissante société d’assurances maritimes créée par les principaux négociants de cette riche cité. C’est ordinairement à l’époque où les plus célèbres chanteurs de l’Italie se rendent à Trieste, et viennent y jouer les opéras nouveaux en vogue, qu’il avait l’habitude d’y aller, ayant toujours conservé un goût très-vif pour la bonne musique. Il était un des fidèles habitués de l’Opéra, où il avait sa loge à l’année. C’était là son seul plaisir. Triste, solitaire, n’allant chez personne, la musique semblait le consoler du chagrin qu’il traînait partout avec lui. J’ai eu ces détails par les affaires étrangères, dont le dossier est ouvert à la police secrète, vous le savez aussi bien que moi, et mis à sa disposition pour compléter ses renseignements sur les nationaux établis hors de chez eux. C’est pendant la représentation d’un opéra, qu’un soir il entendit, dans la loge voisine de la sienne, un Français, arrivé depuis peu de temps à Trieste, dire presque à haute voix à quelques négociants maltais qui s’extasiaient sur la beauté de la prima donna, qu’elle ressemblait extraordinairement à la comtesse Hélène de B…, une grande dame, ajouta-t-il, fort connue à Paris, et que son mari avait empoisonnée, l’ayant soupçonnée d’infidélité, bien qu’elle passât pour être