rapet qui borne le quai des Orfévres. C’était un homme magnifique, cinq pieds huit ou neuf pouces au moins, blond, buste élégant ; et quel drap ! quel linge ! J’étendis tout cela par terre et le refoulai contre le garde-fou dans la ligne d’ombre. Je calai le cadavre du haut et du bas, aux pieds et à la tête avec deux pavés ; le terrain allant en pente à cet endroit-là, le mort avait une tendance à rouler. Ceci fait en deux tours de main, je m’éloignai et retournai à la voiture. Je vis venir les deux pauvres femmes ; elles n’avaient pas la force de se traîner, c’étaient deux ombres. Nous fûmes obligés, mon agent et moi, de les soulever pour les aider à monter dans la voiture. Et que de terreur, que de regards en dessous sans cris ni paroles en y entrant ! Elles ne voyaient plus ce qu’elles y avaient laissé. « — Vous me répondez, monsieur, me dit la comtesse en me saisissant par le bras à m’y enfoncer les ongles, au moment où j’allais refermer la portière, vous me répondez qu’il ne sera fait aucun outrage… — Je vous ai juré, madame, que dans un quart d’heure M. de Karls… serait dans son lit ; il sera dans son lit. » Je saluai et je fermai ensuite la portière avec un bruit épouvantable sur les deux femmes ; puis je m’élançai comme un chat sur la roue et pinçai le cocher à l’oreille à lui faire venir le sang : « — Gredin !
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BALZAC CHEZ LUI.