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BALZAC CHEZ LUI.

et ses faiblesses. « Va pour collaboration ! s’écria-t-il avec sa joyeuse bonhomie : maintenant dites-moi, cher collaborateur, le rôle que vous alliez jouer dans cette comédie à l’espagnole.

— D’abord le rôle d’admirateur, répondit Vidocq, toujours disposé à mettre en avant ses prétentions de don Juan, prétentions encore vivaces chez lui à cette époque, malgré son âge avancé, fort avancé, car Vidocq, qui mourut quelques années après, est mort très-âgé.

« Le rôle d’admirateur, répéta-t-il. L’extraordinaire beauté de la comtesse me frappa comme un soleil qui paraîtrait soudainement à minuit ; je ne dirai pas qu’elle m’éblouit ; elle m’aveugla, malgré l’excessif désordre de sa toilette. Je n’avais jamais vu de plus beaux vingt-cinq ans plus richement portés. Quelles épaules ! quelle taille ! quels mouvements nobles, fiers, moelleux ! Du marbre et du velours. Une belle créature ! On ne se représente pas les reines plus belles, puisqu’on veut que les reines soient mieux partagées que les autres femmes. Elle produisit sur moi, vous le voyez, une forte impression, et je vous prie de croire, monsieur de Balzac, que, dans ma vie, déjà assez longue comme ça, je n’ai pas manqué d’occasions pour comparer et pour raisonner un choix,