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BALZAC CHEZ LUI.

« Je n’ai pas besoin de vous dire si le préfet fut étonné de voir cette célèbre femme chez lui et confus des difficultés multipliées qu’il avait faites pour l’accueillir. Il essaya de s’excuser, d’expliquer sa situation ; la comtesse ne lui laissa le temps de rien dire, de rien achever. Il s’agissait bien de politesses en ce moment et de toutes les sucreries de la conversation ! Sa voix inégale et frissonnante, ses yeux tout grands ouverts par une terreur qui, au lieu de diminuer, semblait s’être plus étroitement saisie de toutes ses facultés depuis son arrivée dans l’hôtel, la pâleur de morte étendue sur son visage, si l’on peut appeler pâleur une teinte verte aux joues, violette autour des lèvres, réclamaient bien autre chose que des attentions et des courtoisies ! — Voici ce qui m’amène chez vous, dit-elle à peine assise près d’une cheminée dont le feu allait s’éteindre… Il vient de m’arriver un malheur… Elle s’arrêta, sa voix n’atteignant pas à ses lèvres. — Un malheur comme il n’en est jamais arrivé à aucune femme dans sa vie… — Une seconde fois elle fut obligée d’attendre pour pouvoir parler. — Il vous est impossible de vous en faire une idée… Elle s’arrêta encore, la respiration lui manquant tout à coup. Mais bientôt, après un violent effort sur elle-même : — Vous me sauverez ! Vous me