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BALZAC CHEZ LUI.

peur condensée par le froid sur la vitre, et par cette place, un instant éclaircie, elle regardait. Que regardait-elle ? Je la suivis pour le savoir. Elle allongeait chaque fois ses regards inquiets sur le quai des Orfèvres, où attendait la voiture qui l’avait descendue avec sa maîtresse à quelques pas de la préfecture. Ce n’était ni un fiacre, ni une voiture de remise, mais une solide et riche voiture de grande maison, ce qu’on reconnaissait facilement à la tournure des chevaux, aux lanternes de cristal, à la physionomie générale de l’équipage. Cette anxiété chez la femme de chambre avait-elle pour cause la crainte de voir s’éloigner cette voiture ? Quelqu’un se trouvait-il dans cette voiture où il attendait le résultat de la visite nocturne faite au chef de la police par les deux dames si effrayées ? Voilà ce que je ne pus pénétrer, et l’obscurité devint encore plus ténébreuse pour moi quand j’entendis la femme de chambre, qui ne me soupçonnait pas si près d’elle, murmurer avec un accent indéfinissable, les yeux fixés sur le cocher de cet équipage : Il dort !

« Maintenant, quel sentiment de sécurité ou d’épouvante exprimait ce mouvement convulsif de ses lèvres, c’est là une question qui aurait demandé, pour être résolue, plus de temps que je n’en avais