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BALZAC CHEZ LUI.

je vis passer derrière les carreaux embrumés de la porte vitrée de notre cabinet, qui ouvrait, comme je ne vous l’ai peut-être pas dit, sur l’escalier même conduisant au cabinet du préfet, deux ombres, deux choses agitées, que je crus être deux femmes. Je me levai : c’étaient deux femmes. J’ouvris la porte, et je leur demandai où elles allaient. La dame me répondit sèchement, et sans me regarder, sans s’arrêter, qu’elle voulait parler à M. le préfet. Je dis la dame, car il était aisé de voir que l’autre, celle qui l’accompagnait, était sa suivante, sa dame de compagnie ou sa femme de chambre. Celle-ci avait une robe de soie noire, c’est vrai ; mais, à son chapeau sans plumes ni fleurs, à la manière surtout dont son châle était jeté sur ses épaules, on voyait bien qu’elle était femme de chambre. D’ailleurs, l’autre n’aurait pas été en toilette de bal, qu’on aurait deviné qu’elle était la maîtresse. Cette toilette de bal m’interloquait beaucoup. Que venait faire à une heure après minuit, chez le préfet de police, une dame ainsi parée pour le bal, et parée, je dois vous le dire, d’une grotesque façon ? Les fleurs étaient placées comme au hasard dans ses cheveux ; ses cheveux mêmes avaient l’air d’avoir été à peine peignés, et derrière son rouge (car elle avait mis du rouge, quoiqu’elle fût très-jeune et merveilleusement