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BALZAC CHEZ LUI.

au-dessus de ses sourcils, afin de garantir ses yeux du trop vif éclat de la lumière, ou bien il les croisait au repos sur sa bouche, ainsi qu’on fait dans les moments de profonde attention portée aux choses qu’on écoute. Et, singulière influence de cette individualité, je sentis, bien avant que Balzac m’eût présenté à ce convive, nouveau pour moi, qu’il remplissait l’espace où nous nous trouvions de sa puissance translucide : enfin, on éprouvait, — c’est du moins ma sensation personnelle, — qu’il n’y avait pas que le poids d’une seule planète souverainement intelligente dans le milieu où nous respirions. À côté de celle de Balzac il y en avait assurément une autre ce soir-là qui gravitait et attirait.

En enfonçant les doigts dans une grosse pêche de Montreuil qu’il se disposait à porter à ses dents de sanglier, et en me désignant d’un coup d’œil satisfait le personnage qui m’était inconnu, Balzac me dit : « Je vous présente M. Vidocq. »

À ce nom fameux dans l’histoire de la police, je me rappelai avoir entrevu ce type de Vautrin dans les allées des Jardies, mais sans que Balzac me l’eût jamais présenté, ni qu’il m’eût dit quel personnage officiel et mystérieux c’était. Comme j’avais appris à respecter toutes ses réserves et ses plus légères cir-