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BALZAC CHEZ LUI.

Il était sept heures et demie environ quand j’entrai dans la salle à manger, celle que décorait, digne d’une galerie florentine ou vénitienne, son buste, chef-d’œuvre de David : un Titien peint au ciseau, un Van-Dyck de marbre. Cette riante pièce, dont nous avons déjà parlé, donnait sur le jardin et communiquait avec son cabinet de travail.

Balzac achevait de dîner : il avait à sa droite, près de lui, un rédacteur de la Presse, M. Robert, qui était venu lui demander la suite des Paysans, que publiait alors ce journal ; à sa gauche, madame X…, occupée à verser le café, et en face de lui un homme à figure bovine, large du front, bestiale du bas, solide, inquiétante, d’un caractère étrange : cheveux autrefois rouges assurément, aujourd’hui blancs-blonds ; regards autrefois bleus, aujourd’hui gris d’hiver. Ensemble complexe, rustique et subtil, d’une expression peu facile à définir d’un mot, d’un trait, du premier coup ; calme, cependant, mais calme à la manière redoutable des sphinx égyptiens. Il y a des griffes quelque part. Du reste, je dois dire ici que l’homme posa si habilement, pendant toute la soirée, son buste d’Hercule, mais d’Hercule après les douze travaux, fatigué et voûté, pendant tout le temps qu’il passa chez Balzac cette fois-là, qu’il me fut impossi-