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BALZAC CHEZ LUI.

la barrière, et tortueusement placée entre les hauts murs qui soutiennent la montagne de Passy, une ruelle d’une perpendicularité, d’une roideur, d’une fantaisie de contours, d’une difformité !… un vrai pèlerinage à accomplir. Balzac prenait souvent cet affreux chemin, très-mal famé du reste, quand il ne voulait pas être rencontré par les importuns. Rien n’était amusant, d’en haut, — petite cruauté amicale, — comme de le voir suer d’ahan, souffler comme un bœuf au soleil, rompre sur ses genoux, à travers les anfractuosités de cette brèche. Nous nous donnions souvent ce plaisir de belvéder, madame X… et moi, quand il avait promis de venir déjeuner, et qu’il n’était en retard que de deux ou trois heures.

Je suivis ce jour-là le bord de l’eau, espérant voler quelques bouffées d’air à la Seine. Je n’eus pas la moindre risée. Quelle fournaise ! Le cours la Reine était jaune comme de la paille de maïs. Joignez une poussière fine, corrosive, à cette atmosphère de feu. Il fallait que le dédommagement qui m’attendait à Passy fût bien grand pour me faire oublier ce voyage par un temps si lourd. Il alla au delà de toutes les compensations imaginables. J’aurais consenti à endurer vingt fatigues pareilles pour jouir de la surprise que Balzac m’avait ménagée ce jour-là.