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BALZAC CHEZ LUI.

der et de la rue Saint-Lazare, à qui leurs femmes de chambre viennent dire avec épouvante : « Sauvons-nous, sauvez-vous ! — Mais qu’y a-t-il ?… Est-ce que la police ?… Est-ce que des huissiers mal-appris ?… — Il s’agit bien de ça ! la maison est pleine de rats. — De rats ? — Oui, mesdames, de rats ; ils ont mangé le concierge, trois pianos ; ils sont dans l’antichambre : les entendez-vous ! — Fuyons, alors : mes chevaux ! mes chevaux ! — Ils sont dévorés, madame. — Sautons par la fenêtre ! — Impossible ! les rats sont dans la rue, qu’ils dépavent. »

— Vous plaisantez, cher monsieur de Balzac ; les désastres qu’ils causeraient par leur invasion seraient sans doute beaucoup moins originaux, mais ils n’en seraient pas moins réels ; ne savez-vous pas ?…

— Je ne plaisante pas ! interrompit Balzac, et je sais qu’Édimbourg, au dix-huitième siècle, faillit être dévoré, non pas précisément par les rats, mais bien par les punaises. Il fallut démolir les deux tiers de la ville pour sauver l’autre tiers. Donc, une ville peut fort bien être rongée par les rats, quand une autre l’a été par les punaises, et bien d’autres en Afrique par les sauterelles. Seulement je préférerais être mangé par les sauterelles à l’être par les rats, et surtout par les punaises, si j’avais le choix de mes convives. Mais