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BALZAC CHEZ LUI.

et là ils tournèrent, d’un commun mouvement, leurs museaux pointus et leurs frémissantes moustaches vers les grilles par où ils étaient entrés, comme pour s’assurer, au besoin, le chemin d’une retraite. On a parlé de la prudence du serpent ; cette prudence est aussi fausse que la modestie des violettes ; rien n’est moins prudent que le serpent, qui siffle, qui bondit, qui emploie tous les moyens imaginables pour trahir sa présence : rien n’est moins humble que la violette, la première des fleurs qui lève le nez après l’hiver et qui s’en va la dernière après l’automne, si toutefois elle s’en va jamais. Parlez-moi de la prudence du rat ! C’est l’animal contre lequel on a dressé le plus d’embûches depuis la sortie de l’arche, où le bon Noé aurait bien dû ne pas le laisser entrer, et c’est l’animal qui s’est le plus multiplié sur la terre.

Continuons l’épopée de ceux de Montfaucon.

Leurs premiers mouvements de timidité disparurent dès qu’ils se virent entourés par d’autres rats accourus pour prendre part à la curée. Le nombre les encouragea les uns les autres, et le pavé commença à se tacher à toutes les distances de ces corps qui augmentaient et se mouvaient. Balzac nous fit remarquer avec une spirituelle justesse d’attention que,