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BALZAC CHEZ LUI.

sance des hommes. Le maître du cheval, le héros, assassiné à Avignon, et le cheval abattu à Montfaucon. On reçoit ici d’émouvantes leçons de philosophie.

— Faites excuse, mon bourgeois, repartit l’interlocuteur de Balzac, un cheval à abattre ne coûte pas que quelques mauvais liards, ainsi que cela vous plaît à dire. Il est acheté douze francs, et quand il est détaillé de la manière que j’ai eu l’honneur de vous le dire, il rapporte de cinquante à soixante francs.

— Et c’est pour cinquante à soixante francs que vous allez priver du dernier souffle de vie cet intéressant animal ! Laissez-le donc expirer de vieillesse, comme Dieu veut que nous mourions tous, bêtes et gens. Voulez-vous cent francs de votre cheval ? »

Les deux hommes aux peaux de mouton se regardèrent ; il y avait déjà quelques minutes qu’un échange de signes intelligents se pratiquait entre eux, sous le nez enthousiaste et philanthropique de Balzac, qui recommença sa proposition :

« Voulez-vous cent francs de votre cheval ?

— Dame ! »

Ce mot suspensif ayant paru à Balzac une nouvelle hésitation, il renouvela sa question sous une forme plus acceptable encore :