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BALZAC CHEZ LUI.

publique, n’y avait-il qu’un mouvement spontané de popularité, dans ce qui suivit notre présence ; mais dès que nous fûmes devant la porte du cabaret, les charretiers qui conduisent la nuit ces étranges fourgons, sous le poids desquels les pavés sont longtemps émus, accoururent et nous offrirent un verre de leur fameux grog au vitriol, boisson si chaude, si âcre, si diaboliquement alcoolisée, qu’on éprouvait de l’ivresse rien qu’à en respirer la vapeur. Nous hésitions à boire, beaucoup à cause de la chose offerte, un peu à cause de ceux qui l’offraient. On a des préjugés ; mais qui a des préjugés doit rester chez soi. D’ailleurs, le docteur Gentil, qui, dans la localité redoutable où nous pénétrions, commençait ses fonctions de conseiller hygiénique, nous dit en latin : « Buvez maintenant, ou vous serez forcés de boire après. »

Le docteur Gentil avait grandement raison ; il faut se fortifier les organes avant d’affronter l’agressive atmosphère de Montfaucon.

Nous mettions à peine un pied mal assuré dans ce vaste emplacement indéterminé, enveloppé d’un brouillard bleu, derrière lequel miroitaient quelques pâles étoiles, car la nuit n’était pas finie, il s’en fallait au moins d’une heure qu’elle le fût, que nous entendîmes venir d’un autre rayon de route, clopin, clo-