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BALZAC CHEZ LUI.

Rhône, plus loin encore de penser au fauteuil de l’Institut, essayant des vers et de toutes sortes de vers, essayant de la prose, essayant de la littérature des voyages, mais jeune, entraînant, gai comme un tambourin, tendre comme une flûte, égayant les soirées de la maison Béchet par sa verve marseillaise, pleine d’éclairs et d’étincelles.

Quelques femmes de gaie et bonne compagnie venaient aussi à ces heureuses soirées, toujours précédées d’excellents dîners. Nos souvenirs nous montrent encore, dans la brume opale de ces premières années de notre séjour à Paris, madame Brissot-Thivars, fée de salon qui tempérait par le bonheur de son visage, par la saveur de son esprit, par la grâce ondoyante de ses paroles, le bruit océanique, la voix cuivrée, toute la domination physique de son intelligent époux, dont la grande taille, les grands yeux, la grande bouche, les grands gestes, faisaient de lui le digne mari de la fée : l’ogre, le plus bel ogre de salon que j’aie jamais vu.

Le soir de ma première rencontre avec Balzac à l’un de ces dîners de madame Béchet, la conversation vint à rouler sur le départ prochain de la duchesse de Berri pour la Sicile, après une captivité de huit mois dans la forteresse de Blaye. La corvette l’Agathe,