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BALZAC CHEZ LUI.

Quinola et le jour de la première représentation.

Non-seulement Balzac se fit le fermier et le vendeur de ces billets, mais il ne recula pas devant la pensée d’en être l’agioteur ; et ceci non par avidité, mais par bizarrerie, surtout pour obéir à l’orgueilleux besoin chez lui de se passer d’un entrepreneur, de fouler aux pieds l’homme éternellement placé entre le producteur et l’acheteur, sentiment honorable, mais hasardeux.

Se présentait-on pour acheter une loge de première galerie, il répondait derrière sa grille : « Trop tard ! trop tard ! La dernière a été vendue à la princesse Augustina-Augustini de Modène. — Mais, monsieur de Balzac, nous y mettrions un prix fou… — Quand ce prix serait fou furieux, vous n’auriez pas davantage de loge de première galerie puisqu’il n’y en a plus. » Et l’on se retirait sans avoir cette loge. Ce jeu-là réussit pendant les premiers jours de la mise en vente ; on paya très-cher pour avoir très-difficilement une place. Mais les jours suivants les désirs se calmèrent, tout se calme dans ce monde ; on se lasse même de la difficulté ; on se lassa, et Balzac, pendant la semaine voisine de la première représentation, fut très-heureux, de vendre, au prix du théâtre, ce qu’il avait d’abord rêvé de vendre à des prix fabuleux, exagérés par sa puissante fantaisie.