Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/926

Cette page n’a pas encore été corrigée
908
LES ADVIS.

Quelle face d’horreur, & quels apprefts funebres :
Quand tout enflé de pleurs le doux fil de ſon cau.
Viendra lefcher les bords du fepulchre nouueau ?
Iamais, iamais enfant qui meflaft l’origine
De la tige Troyenne à la race Latine ;
A fi haut point d’eſpoir n’aura mis les Deſtins
D’Ilion renaiſſant ou des Sceptres Latins,
Ny cette auguſte Rome au fort de fa puiſſance,
N’aura point veu chez elle vne telle naiſſance.
Quelles Mœurs ! quelle Foy des antiques Romains !
Quel zele vers les Dieux ! quelles guerrieres mains !
Aucun fans repentir n’euft iamais eu l’audace,
Devoir ce Prince armé combattant face à face :
Soit de pied ferme à terre, ou ſoit que dextrement
Son efperon piquaft vn cheual efcumant.
Ah miferable enfant, ieuneffe infortunéc !
Si tu peux rompre vn nœud d’amere deſtinée, `
L’Empire en ta Vertu trouue vn Marcel nouueaut
De roſes & de lys honnorons ce Tombeau :
Il faut qu’à pleines mains fur luy ic les eſpande,
Et qu’à mon petit fils ce vain deuoir ie rende ;
D’offrir à fa belle ame vne moiſſon de fleurs,
Et le dolent excez de mes plus tendres pleurs.
Ils trauerfoient ainſi vifitans toutes choſes,.
Ces vagues Regions d’vn long ſilence encloſes,
Mais apres que le pere eut contenté les yeux
Defon fils attendiffur l’aſpect de ces lieux,
Apres qu’il l’ent piqué du defir de la gloire
Dont le Ciel promettoit d’illuſtrer fa memoire ;
Sur la guerre à venir breuement il l’inſtruit.
Des Peuples Laurentins les forces il deduict,
Leur valeur, leur Cirez, leur richeſſe abondante :
De Latin le bon Roy la Ville il reprefante !
Il luy dit quel Labeur ſon foin doit éuiter,
De quel autre & comment le faix il faut porter.
On trouve en ces confins les deux portes du Somme,