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LIVRE SECOND.

LIVRE
SECOND.
Et d’vn plaifant trépas portraict calme & tranquile.
Or pour fraper fans peur ce coup de trahifon,
Ma bonne efpoufe auoit defarmé la maiſon,
Mefmes à mon cheuet rauy lá chere efpée,
Dans le fang des Danois tant de fois retrempée.
De Sparte fur ces points elle appelle le Roy,
Et mes portes ouurant le recueille chez moy :
Pour flatter fon amour en m’offrant pour victime,
Et croyant que ce trait couuriroit le vieux crime.
Que te diray-ie plus ? en ma chambre introduit
Sur moy, pauure, il fe rue & l’Itaquois le fuit,
ruë
Cemalheureux autheur de toute forfaicture.
Dieux renuoyez aux Grecs vne telle aduenture !
Si l’on peut efperer que voftre iufte foin,
Secoure l’innocent & le vange au beſoin.
Mais d’y par quel deffein ou par quelle rencontre,
Ton vifage viuant entre les morts fe montre :
Quelque decret des Dieux l’acript ainfi ?
Quelque accident de Mer te iette t’il icy ?
Ou quelle autre fortune en ces Climats t’enuoye,
Climats veufs de lumiere & denuez de ioye ?
L’Aurore aux rais pourprez haftant fon demy tour,
Dans le plus haut des Cieux guidoit le char du iour ;
Qu’ils deuifoient encore, & ces deuis peut-eftre
Dilipans leur loifir la nuit auroient veu naiſtre,
Quand la Vierge des Dieux breuement les reprit :
Lefoir approche Enée, éueille ton efprit :
Nous confumons en pleurs le cours d’vne iournée,
Qui feule en ce traiet pour terme t’eft donnée.
Voy-tu bien ce chemin quife partage en deux ?.
Le feneftre fentier de tenebres hideux,
Meine au cruel Tartare où les mefchantes Ames
Souffrent le grief tourment des gehennes & des flammes :
L’autre dextre fentier de clarté Aoriffant,
Chez le grand Roy Pluton heureufement defcend :
Aux champs Elyfiens cetuy-cy nous appelle,