Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/889

Cette page n’a pas encore été corrigée
871
LIVRE SECOND.

La Pichye annonçoit l’horreur des grands prefages.
Sa forte voix mugit, meflant la verité
Dans les plis d’vn nuage efpais d’obſcurité :
Tant l’aiguillon ardent de la fureur diuine,
De ſes ellancemens l’agite & la domine.
Quand l’accés furieux eut quitté ſon eſprit,
Sa clameur ſe r’aſſied, & le Prince reprit.
Nulle image de peine, ô Diuine Pucelle,
Ne me fera iamais eſtrangere ou nouuelle..
l’ay preueu les trauaux, i’ay roulé par diſcours,
Tout ce qui peut troubler le calme de mes iours.
Fay moy fans plus vn bien : on prefche que l’entrée
Du Manoir de Pluton eſt en cette Contrée,
Dans le fond efcarté d’vn tenebreux palus,
Que le Stix regorgeant forme de ſes reflus :
Ouure cét huys ſacré, conduy moy ie te prie,
Pour voir mon pere Anchife & fa face cherie.
Au milieu des feux Grecs flambans de toutes parts.
Et d’vn orage efpais de flefches & de dards ;
Ie le mis fur mon col d’vne tendre alleigreffe
Pour l’arracher des mains de l’outrageuſe Grece.
Il affiftoit par tout mes pas & mes trauaux,
De la Mer & des Cieux ſupportant les affaults :
Contre l’ordre du fort d’vne vieilleſſe lente,
Et malgré fa ſanté dés long-temps languiſſante.
Il m’a fouuentefois requis & conjuré,
D’aborder fuplyant ton Palais honnoré ;
Pour mandier ta grace, ô Vierge venerable,
Prefte nous en commun yn ſecours fauorable :
Ton pouuoir eſt fupréme, & Proferpine en vain
Lefainct Bois des Enfers n’a pas mis en ta main.
Nous fçauons qu’vn Orphee animant les doux charmes
Des cordes de ſa Lyre & ſes flatteuſes larmes ;
L’Idole de ſa Dame a bien fceu repeter,
Et Pollux par ſa mort ſon frere racheter :
Paffant & repaſſant du Monde aux Regnes ſombres,