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LES ADVIS.

du commerce de la vie humaine, i’appelle ainſi pour chaqu’vn le dialecte de ſa Patrie : tout cela, certes, pour ne tomber en cét acceſſoire, de leur preſanter dans vn gros Liure 8. ou 10. pages mal pignées : meſmement ayant aſſez faict voir en autre lieu, que ie puis meriter qu’on me liſe auec quelque ſatiſfaction : leur temerité me force de tenir ce propos contre ma couſtume. Noſtre Muſique n’oſeroit-elle quitter le hault ton par fois ? Nous faudra-t’il attiſſer encores les pieds d’vne Dame d’vne moiſſon de perles, d’une ondée de friſons, & des fleurs exquiſes du blanc & du vermillon d’Eſpagne ; pource que nous en ajoliuons ſa teſte & ſon viſage ? ou ſes pieds auront-ils meilleure grace auec de tels attours, que dans vne ſimple paire de patins ? Les Liures comme les Dames ont des pieds : c’eſt à dire des parties qui ne ſont faictes que pour aſſiſter les autres : mon Traicté des Diminutifs eſt de ce genre. Ie deuois trier, diſent-ils, cinq ou ſix Diminutifs de châque eſpece & rien plus, pour éuiter d’eſtre importune : oubliants d’adiouſter, que ie deuois en ſuyte me faire Reyne, affin d’attacher vn Edict au bout, qui commandaſt de croire le ſurplus ſans le voir. Mais bon Dieu le gentil conſeil ! & le bruit qu’ont faict ces niaiſeries me pourra-t’il rendre excuſable ſi ie les daigne releuer ? mais ie le daigne & le doibts, pour faire voir à la poſterité ſi ie la puis atteindre, de quels caprices & de quelles maladies d’eſprit noſtre ſaiſon eſtoit capable. Le gentil conſeil, ie vous prie, de manquer à prouuer mon dire pour diaprer & polir mon Ouurage, qui n’eſt pas ourdy ny deſigné pour perſuader, pour delecter, ny en vn mot pour faire le ſuffiſant ou l’aggreable, ouy bien ſeulement pour vne preuue ? que ſi elle conſiſte au nombre d’exemples, & que le nombre enlaidiſſe mon Labeur ; il ſeroit fort laid d’eſtre beau : ne pouuant auoir aucune vraye laideur que ce qui l’empeſche de paruenir à ſon but. Laiſſons aux garſes corporelles le ſoin de preferer les aioliuemens du corps, aux ornemens de la Vertu, & reſignons aux ſpirituelles, ainſi dois-ie appeller les ames qui ſe coiffent de