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UN CŒUR VIRGINAL

tant je n’avais pas dormi. Il ne se passait rien qu’une chevauchée muette dans l’air bleu, et pourtant, en revenant à moi, j’étais lasse… Que de fois j’ai fait ce rêve, que de fois j’ai vu les touffes des lilas se tasser pour faire place à mon beau cavalier et à son cheval noir… Le cheval était toujours noir. Je me souviens peu de la figure du Persée qui me délivrait, pour quelques heures, de l’esclavage de mon ennui… Un sport ? Mais c’était un sport, cela ! Que faisait-il de son Andromède, mon Persée ? Je n’ai jamais pu le savoir. Que font les Persées de leurs Andromèdes ? »

À cette question, l’infatigable imagination de Rose faisait, pour la centième fois, des réponses nouvelles. Tout le possible se déroulait devant ses yeux ou s’enroulait autour de son corps. Non seulement elle se donnait toute comme la pâte se donne aux mains agiles et violentes du pétrisseur, mais elle devenait aussi la boulangère affolée du pain mâle. L’imagination d’une jeune fille qui sait et ne sait pas ce qu’elle désire est d’une fécondité arétine. Aucun mouvement ne lui