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UN CŒUR VIRGINAL

pourtant, il en sait sans doute bien plus encore que ce Léonor, mais il se garde bien de m’instruire. Il me traite comme une petite fille, tout en se moquant de mon innocence. Oh ! sa moquerie est bien douce, car il m’aime beaucoup, mais il abuse tout de même un peu de sa supériorité. Un sport, un sport… »

Elle sortit du massif d’arbres verts et alla s’asseoir sur un vieux banc de pierre, dans un coin à l’écart, mais d’où elle pouvait surveiller, par des coulées entre les arbres, tout ce qui se passait aux alentours. Elle aimait ce coin où elle avait rêvé d’entières matinées, avant l’arrivée de M. Hervart. Elle riait maintenant de la puérilité de ces rêves.

« Il me semblait, songeait-elle, que les branches allaient s’écarter, laissant paraître un jeune cavalier beau comme le jour… Sans rien dire il poussait son cheval jusque près de moi, se penchait, m’enlevait, me couchait sur sa selle, et nous partions. C’était un galop fou, interminable, où je finissais par m’endormir, et, en effet, je me réveillais comme d’un sommeil, et pour-