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UN CŒUR VIRGINAL

Dès qu’on se fut assis à l’ombre des marronniers sur le banc et les chaises rustiques, Lanfranc commença l’histoire de Mme Suif, que tout le monde connaissait. Rose y fut attentive. Dès que Lanfranc pouvait réunir un auditoire bienveillant, il racontait l’histoire de Mme Suif, qui était un peu la sienne. Mme Suif avait été sa maîtresse, puis il s’était marié, puis il avait renoué avec elle, enfin, la tiédeur venue, était resté son ami.

— Ah ! si je n’avais pas eu l’enfantillage de faire un mariage d’amour, j’épouserais aujourd’hui les millions de Mme Suif, car Mme Suif serait reconnaissante au monsieur qui la débarrasserait de son nom. Comment voulez-vous que je divorce, moi, architecte des églises et des châteaux ? Enfin, elle consentira peut-être à s’appeler Mme Léonor Varin. Elle ne regarde pas mon neveu sans complaisance.

— Moi, je n’en veux pas ! dit Léonor, en rougissant.

Rose l’avait regardé, et il s’était soudain senti tout honteux de sa cupidité secrète.