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UN CŒUR VIRGINAL

Il regarda Rose, en croyant prendre un air glacé, mais les yeux complices le regardaient si doucement !

Ses pensées se firent confuses. Il avait envie de se coucher dans l’herbe et de dormir. Il le dit.

— Eh bien, couchez-vous et dormez. Je veillerai votre sommeil. J’écarterai les mouches de vos yeux et de vos lèvres. Je vous éventerai avec cette fougère et j’essuierai de mon mouchoir la sueur de votre front.

Elle parlait d’un ton de câlinerie passionnée. C’était une musique. M. Hervart se réveilla et dit des paroles d’amour.

« Je vous aime, Rose. Le contact de vos lèvres a rafraîchi mon sang et réjoui mon cœur. Quand j’ai posé ma main sur votre poitrine, il m’a semblé que j’étreignais un trésor. J’étais riche. Mais, dis, mon enfant aimée, ce trésor, tu me l’as donné et tu ne me le reprendras pas ?… »

M. Hervart haletait. Rose, en remuant la tête, disait : « Non, je ne le reprendrai pas », et même, pour prouver sa véracité, elle tendit sa gorge