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UN CŒUR VIRGINAL

M. Hervart était gêné. Huit jours plus tôt, ce tête-à-tête lui eût paru la chose la plus innocente et peut-être la plus ennuyeuse.

« Je ne sais vraiment pas ce qui va se passer. Il faut que je sois sérieux, froid, que je prenne l’air fatigué, l’air vieux… »

Dès qu’elle entendit sa mère marcher au-dessus du salon, Rose vint s’asseoir près de M. Hervart, mit les mains sur le bras de son fauteuil. Il la regarda. Il y avait quelque chose de fou dans ses yeux. Il se tourna tout à fait, posa ses mains sur les mains de la jeune fille. Les mains remuèrent, prirent les siennes, les serrant très doucement. Sans avoir eu le temps d’y penser, ils se réveillèrent, une seconde plus tard, lèvres contre lèvres. Ce baiser épuisa leur émotion. Ils reculèrent tous les deux du même mouvement, mais sans cesser de se regarder.

Il la trouvait décidément très jolie. Elle le trouvait admirable, songeant :

« Je lui appartiens. Je lui ai donné mes lèvres. Je suis à lui. Que va-t-il faire ? Que vas-tu faire ?… »