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UN CŒUR VIRGINAL

baiser, puis, prenant son élan, disparut vers la maison.

La scène avait duré deux ou trois minutes : dans ce bref intervalle, M. Hervart avait beaucoup vécu. C’était l’instant le plus émouvant de sa vie ; du moins n’avait-il pas alors le souvenir d’en avoir connu un pareil. En entendant proférer ce nom, Xavier, presque aboli de sa mémoire, un cortège de charmantes heures anciennes était entré dans son cœur, celles des tendresses maternelles, celles des premiers aveux, celles des premières caresses. Il se retrouvait au début de la vie et aussi incapable qu’à vingt ans de réflexions moroses.

Son allure changea tout à coup. Il grimpa sur la terrasse, à la force des poignets, s’assit sur le rebord, parmi les herbes sèches, alluma une cigarette et regarda les choses, en ne pensant à rien.