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UN CŒUR VIRGINAL

M. Hervart perçut le petit mouvement d’impatience que Rose ne sut pas réprimer, et il en fut content. Il aurait voulu être seul.

Il alla s’accouder à la balustrade, sans rien dire, regardant au loin la mer toute bleue. Cela l’apaisa. De le voir absorbé de nouveau par quelque chose qui n’était pas elle-même, Rose eut un second frisson de jalousie ; mais, cette fois, elle connaissait sa rivale. Les femmes ne doutent jamais d’elles, et c’est ce qui leur donne la victoire. Rose voulut lutter contre le charme de la mer infinie. Elle alla se poser tout près de M. Hervart, épaule contre épaule, hanche contre hanche.

M. Hervart regarda Rose et ne regarda plus la mer.

Ses yeux étaient tristes d’avoir vu fuir, ironique, le désir. Ceux de Rose étaient pleins du sourire le plus doux.

— Ils ont la couleur de la mer infinie, Rose.

« C’est tout de même agréable, songeait M. Hervart, d’être le premier à dire cela à une jeune fille… Généralement, les femmes aux yeux