Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
UN CŒUR VIRGINAL

telle phrase que l’on va prendre pour une allusion préméditée ?… »

Il trouva cependant le jeu très amusant. On pouvait ainsi parler en public et dire ses véritables sentiments sous le couvert des banalités de conversation. Rose lui en avait donné l’exemple ; il l’avait suivi sans y penser, mais une telle docilité était un symptôme grave.

« Je suis perdu. Me voici en train de devenir amoureux. »

Mais, pareil aux buveurs qui, sentant venir l’ivresse, voudraient se retenir, et obéissent encore au désir, amollis qu’ils sont par la sensation même qui éveille leur conscience, M. Hervart, ayant jugé qu’il fallait lutter, céda.

Il but un grand verre de vin, et dit :

— On peut se tromper à ses débuts dans la vie, et longtemps encore après. J’ai gardé pour l’art un goût vif, mais je n’étais appelé qu’à lui faire des visites. Nous sommes des amis, non des époux. J’ai fondé ma maison sur un autre terrain ; elle vaut ce qu’elle vaut, mais j’y demeure fidèlement moi aussi. On ne peut tenir qu’à ce