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UN CŒUR VIRGINAL

rait. Ce n’est qu’après le pas décisif que l’amour devient familier… »

— Si nous voulons aller à Cherbourg, dit Rose, il faut déjeuner de bonne heure.

Ils partirent, bientôt sortis du bois, entrés dans le jardin, qui n’était guère moins fruste. Il y faisait du soleil ; ils le traversèrent vite. Elle marchait devant. M. Hervart, en passant, cueillit une rose et la présenta à la jeune fille. Rose la prit, en cueillit une autre et, la donnant à M. Hervart :

— Celle-ci, c’est moi.

Alors, elle se mit à courir et gravit le perron sans se retourner.

M. Hervart dut recommencer son raisonnement. Il se sentait heureux, mais comprenait de moins en moins.

« Elle agit comme si elle m’aimait… Elle agit aussi comme si elle ne m’aimait pas. Ici, on dirait que je suis tout pour elle. Quelques pas plus loin elle me traite comme un simple ami de la maison… Et c’est elle qui me mène… Je n’ai jamais vu cela que chez les coquettes… Où aurait-elle