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UN CŒUR VIRGINAL

de sa main. Elle était sérieuse. M. Hervart put la regarder sans la distraire de son rêve.

L’ensemble était joli, à la fois doux et sauvage. Les traits, gardant encore quelque chose de puéril, s’accentuaient. C’était une femme. Quelle bouche rouge et voluptueuse ! M. Hervart se surprit à songer qu’elle donnerait d’excellents baisers. Et quel fruit à mordre, ferme et plein de suc ! Rose poussa un soupir et une grosse vague gonfla son corsage blanc ; tout le jeune buste avait semblé s’épanouir. M. Hervart eut la vision d’une blancheur rosée, tendre et vivante : il la désirait comme un enfant désire la pêche qu’il aperçoit au mur sous ses longues feuilles. Il se complut dans ce désir. C’est ainsi qu’il avait songé parfois devant la Jeune Femme du Titien. L’obstacle était aussi fort. Rose était pour lui une chimère.

« N’importe, se disait-il, je l’ai désirée, et cela n’est pas sage… Eh ! si je l’aimais, je n’aurais pas eu une telle vision, en ce moment. Donc, je ne l’aime pas. Heureusement ! »

Rose ne pensait à rien. Elle se laissait regar-