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II

Il faisait déjà chaud. Ils s’assirent à l’ombre, sur un tronc d’arbre. De grosses fourmis innocentes le parcouraient, mais M. Hervart ne s’intéressait plus beaucoup à l’entomologie. Ils regardaient distraitement les petites bêtes affairées, coupant et recoupant leurs voies.

« Savent-elles ce qu’elles font ? Et moi, est-ce que je sais ce que je fais ? Une sensation les guide. Et moi ? Elles vont ici, parce qu’elles ont cru voir ou senti une proie. Et, moi ? Oh ! moi, je voudrais bien fuir ma proie. Moi, je raisonne, moi je délibère… Oui, je délibère, ou, du moins, j’essaie. »

Il leva la tête vers la jeune fille.

Rose arrachait des clochettes aux hampes des digitales et les faisait claquer dans la paume