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UN CŒUR VIRGINAL

Cependant M. Hervart médita longtemps sur ce mystère, et il édifiait des théories perverses sur la précocité des jeunes filles.

Bientôt, il eut honte de ses divagations.

« Les femmes sont complexes, pas plus que les hommes, certainement, mais d’une complexité que les hommes ne peuvent comprendre. Elles-mêmes ne se comprennent pas, et d’ailleurs n’en ont nul souci. Elles sentent, et cela leur suffit très bien à se conduire dans la vie, et même à dénouer des embarras où les hommes se montrent incapables. Il faut agir à leur égard comme elles-mêmes. C’est par le sentiment seul qu’on peut les rejoindre. Il n’y a qu’une manière de comprendre les femmes, c’est de les aimer… Pourquoi ne dis-je pas cela tout haut ? Elle serait amusée et trouverait peut-être de jolies choses à répondre… »

Mais, sans être timide, M. Hervart se troublait à entendre le son de sa propre voix. Aussi ne proférait-il le plus souvent que des phrases courtes. Elle reprit la main de son ami. Ce langage paraissait lui convenir et M. Hervart s’en