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UN CŒUR VIRGINAL

L’idée qu’il faisait le bonheur de cette enfant lui donnait beaucoup d’orgueil.

« Autant ne pas déranger Gratienne. Elle est très soupçonneuse. À qui m’adresser, en ce cas ? Mes collègues ? Non, je n’ai pas d’intimité. Gauvain, le marchand d’animaux ? Cela serait humiliant. Ah ! que je m’ennuie. Laissons cela, je verrai plus tard. Qu’y a-t-il, après tout ? Un peu d’amitié tendre. Rose vit tellement solitaire ! Pourquoi lui ôter cette joie innocente de jouer au sentiment avec moi ? Plaisirs d’été… »

— Oh ! dit Rose, voilà un bupreste. Qu’il est beau !

Mais la magnifique bête, cuirassée d’or et de saphyr, disparut sous les feuilles mortes. Ils n’y pensèrent plus. Rose avait bien d’autres idées.

Elle se sentait remplie d’une tendresse fière.

« Je ne m’appartiens plus… C’est très émouvant… Que va-t-il se passer ?… Il m’embrassera sur les yeux, certainement… Comment résister, puisque je lui appartiens ? »

Elle leva la tête, regarda M. Hervart. Ses yeux se donnaient. Elle les ferma, sans chan-