Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
UN CŒUR VIRGINAL

tes, à ménager des gazons et des corbeilles de fleurs.

Les gestes décisifs sont presque toujours les plus simples, les plus naïfs. Dénicher le long d’un mur quelques brins de violette, les cueillir, les offrir. Cela valut à Léonor le premier sourire de la jeune fille, un sourire encore indécis, un sourire où l’âme sollicitée se montra un instant, comme à une fenêtre enfin visitée par le soleil.

Un jour, en soutenant un lilas que l’on transplantait, leurs mains se rencontrèrent. Rose retira la sienne sans affectation, mais un peu plus tard elle la rapprocha, et cet arbre, que l’on arrachait de la terre, sentit peut-être passer dans son corps endormi un tremblement d’amour.

Léonor ne pensait plus à rien qu’au charme de sa vie présente. Il ne s’analysait plus, il ne faisait ni combinaison, ni projets ; il respirait de l’air pur, il s’épanouissait.

Rose, moins dolente, souffrait encore. C’était le soir, au moment qu’elle se dévêtait pour se