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UN CŒUR VIRGINAL

mains, sitôt que les yeux se sont rencontrés ? Déclarer son amour ! Dire : J’ai chaud ! à une femme qui a froid. Qu’est-ce que cela peut lui faire ? Les paroles ont de l’éloquence, quand les oreilles les attendent. Sinon, elles sonnent faux. Elles n’inclinent que les cœurs qui ont déjà abdiqué leur volonté. »

Léonor aimait Rose très sincèrement. Aussi, fut-il fort malheureux. Il croyait se rendre compte, d’ailleurs, que M. Hervart était déjà tout pardonné. Rose n’attendait pour se redonner à lui qu’un acte d’humilité.

« Elle souffre dans son orgueil. Son cœur est heureux, si le bonheur est d’aimer, bien plus que d’être aimé. C’était pour elle un plaisir douloureux, mais un plaisir de parler de M. Hervart… »

Le soir, Léonor n’eut pas la peine de prendre un air mélancolique et désenchanté. Il éprouvait à merveille ces deux sentiments, et Rose, qui ne put s’empêcher de le regarder, s’en aperçut.

« Est-ce que, vraiment, se demanda-t-elle, il m’aimerait, lui ? »