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UN CŒUR VIRGINAL

— Que serait-il donc arrivé ? demanda Rose sans aucune émotion, sans même de curiosité.

— Comme je vous aurais aimée !

— Mais il m’aimait beaucoup.

— Il ne vous aimait pas comme il faut aimer.

— Je ne sais pas. Comment saurais-je ces choses ? Je croyais, voilà tout. Je croyais en lui.

— Il n’était pas digne de vous.

— C’est peut-être moi qui n’étais pas digne de lui, puisqu’il ne m’aime plus.

— Pas digne de lui, vous ! Vous ne savez donc pas ce que c’est que cette femme ?

— Non, et je ne veux pas le savoir. Oh ! je ne suis pas jalouse. Je suis humiliée. Il me semble que j’ai été battue. Jalouse ? Non. Je n’aime plus et je n’aimerai plus,

— Ne dites pas cela.

— On n’aime pas deux fois.

— Mais si on a été malheureux la première fois ?

— On reste malheureux.

— Il faut toujours chercher le bonheur. Quand on le cherche, on le trouve.