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UN CŒUR VIRGINAL

marchant côte à côte, pendre intérieurement leurs bras et bientôt leurs mains se joignirent.

Il y eut un silence très long et très agréable. Mais chacun, cependant, avait des pensées particulières.

« Évidemment, se disait M. Hervart, si j’ai un peu de raison, je vais reprendre le train qui m’amena. D’abord, aller à Cherbourg, expédier un télégramme qui m’en fera recevoir un autre, par lequel je serai rappelé. C’est ennuyeux. Je me plaisais tant ici ! À qui m’adresser ? À Gratienne ? Par une lettre alors, pour inventer une histoire. Cela ne sera pas plus grave dans trois ou quatre jours. Je connais les jeunes filles ; le temps n’existe pas pour elles ; elles vivent dans l’absolu. Tant qu’il n’y aura pas de jalousie, et comment y en aurait-il ? je serai tranquille. Elle est bien charmante, Rose. Dieu ! que je suis ému ! Mais je dois être raisonnable. Je donnerai rendez-vous à Gratienne à Grandcamp. Elle a envie de Grandcamp, à cause d’un roman qu’elle a lu, qui se passait là. Puis, il y a les roches. Moi, ça m’est égal, pourvu que je m’en aille… »